Le dernier vers du dialogue de Roméo et Juliette pose parfaitement la problématique de l’alba amoureuse : la dame des troubadours est l’épouse d’un seigneur jaloux et les amants ne peuvent se retrouver qu’à la faveur de la nuit, furtivement ; le guetteur du château, préposé à l’annonce de l’arrivée de l’aube, devient, volontairement ou non, leur complice en donnant à l’amant le signal du départ. Mais la nuit est toujours trop courte pour un couple que l’amour physique ne saurait rassasier et la séparation est une déchirure.
À côté de ces albas profanes, il existe des albas religieuses où les signes s’inversent. La nuit du péché torture l’âme : elle aspire au lever d’un jour divin dont l’aube devient la mère virginale.
Dans quelques vingt poèmes, les troubadours font la magistrale démonstration de leur art de la variation sur un lieu commun qui nous conduit de la grande prédication religieuse à des pièces parfois moqueuses, parfois tragiques, parfois parodiques.